• Les conseils de Willy Ronis aux photographes.

    Le photographe Willy Ronis photographiant dans le bus à Paris, France, en 1993. © (Photo Lily FRANEY / Gamma-Rapho)

     

    C'est Willy Ronis qui nous parle photo et qui - au passage - donne quelques précieux conseils aux photographes amateurs. A méditer puis à appliquer lors de nos prises de vues !
    Ecoutons-le:

    "Au moment du déclic, il y a toujours l’appréhension. Lorsqu’on travaille sur le vivant, il y a toujours une fugacité génératrice d’angoisse. « Est-ce que j’ai pris le bon moment ? ». Cette angoisse m’a toujours tenaillé.
    Ensuite, il y a le moment du développement. Quand je développe, il y a naturellement la grande inconnue : « Est-ce que j’ai appuyé au bon moment ? N’ai-je pas négligé quelque chose qui, dans le fond, casse complètement l’intérêt de mon image ? Quelque chose qui prend une importance que je n’avais pas prévue au moment où j’ai appuyé ? ».
    Physiologiquement, l’œil n’est pas construit pour embrasser tout le champ visuel avec la même capacité d’analyse. L’œil est un toucher à distance. Et on ne touche qu’un seul objet à la fois. L’œil est incapable de capter en photographie une vision globale : le principal et l’accessoire. Il y a toujours le danger que l’accessoire tue le principal.
    L’exemple le plus simple, c’est le jeune homme qui photographie sa petite amie dans un jardin et ne fait pas attention qu’elle a un arbre qui lui sort de la tête. L’arbre est à trois mètres derrière mais il regarde la fille, pas ce qu’il y a derrière elle ! Ça, c’est une chose à laquelle il faut toujours avoir l’esprit : que se passe-t-il derrière et sur les côtés ?
    C’est pourquoi j’aime tant les marchés. À mon avis, on touche là la plus haute difficulté photographique. On voit quelque chose d’intéressant mais quelque chose à côté peut tuer complètement ce que l’on voit : ou bien c’est un grand trou – et alors ça casse la composition – ou bien ça n’est pas bon et ça rentre en contradiction avec ce que l’on a voulu exprimer.
    Il faut avoir l’œil partout.
    Dans ces conditions, avec toutes ces contraintes, la photo parfaite pour moi serait celle où j’aurais pu communiquer à celui qui la regarde l’émotion qui a déterminé le déclic. Je veux faire participer. Je veux montrer quelque chose qui m’a ému et je voudrais que ce soit parfait.
    Donc, les questions formelles sont extrêmement importantes. Je suis un fou de la forme. Pour moi, il ne peut pas y avoir de contenu exprimé s’il n’y a pas une forme complètement châtiée dans tous ses détails. Ou alors… c’est un cas très spécial. Par exemple lorsqu’il n’y a qu’un seul personnage avec un fond inexistant ? A ce moment-là, c’est la simple expression du personnage qui compte. Mais la composition est ce qui requiert mon attention la plus vive.

    Je m’autorise à mettre en scène ou à faire recommencer une situation en reportage commandé, jamais la photo libre. Dans la photo libre, la composition se fait spontanément par le fait du hasard combiné avec votre aptitude à vous placer au bon endroit. Là, on photographie d’abord avec ses pieds. Cette composition sur le vif est évidemment très difficile ".

    Voilà pourquoi Willy Ronis est toujours en attente du sujet. Il guette, il épie, mais le hasard fait ce qu’il veut, aussi il lui faut être en embuscade du hasard.
    La chance, dont il parle souvent, se mérite et s‘apprivoise avec "une vision globale".
    Il faut donc regarder partout pour ne pas tuer l’essentiel.
    La vie immédiate est sa passion : " J’aimais le mouvement, c’est l’œil qui fait la photo". 

    Il avait l’œil partout, mais surtout sur le cœur. Et ses photos sont pleines d’histoires en suspens… "J’ai remercié le destin de m’avoir fait photographe. Cela m’a probablement préservé de souffrances intolérables".
    Et pendant ces 99 ans passés parmi les hommes, il aura promené son regard d’enfant, et sa soif d'amour pour l'Humain.

    Du Front populaire des années trente au Paris bétonné des années soixante-dix, en passant par la lumière de la Provence, la poésie de Paris, les gens de peu des campagnes, les travailleurs des usines, les loisirs sur les bords de la Marne, les fêtes populaires, … Ronis rapporte la "geste populaire".

    Plus promeneur que photographe, plus humain qu’artiste, il demeure, lui seulement redécouvert à 75 ans, comme une des plus belles sources de fraîcheur et d’émotion, qui soient arrivées à l’art de la photographie.

    Peu de temps avant sa mort, dans une interview accordée à un grand quotidien, au journaliste qui le questionnait : Qu’aimeriez- vous que l’on dise de vous ?
    Willy Ronis répondait : "J'aimerais qu'on dise, c’était un brave type et il était bon photographe".

    Alors finalement quelle trace a-t-il laissé ? Une trace d'harmonie, de paix, d'humanité et une grande émotion chez tous ceux qui l'ont connu.
    Je suis content d'avoir connu Willy Ronis. C'est une chance.

     

    >> Willy Ronis sur Parisperdu.

    >> Les photographes humanistes sur Parisperdu.

     

     

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