•    Willy Ronis et Pierre Bonnard : quand des images se rencontrent. (1/2)

    "Nu à contre-jour" par Pierre Bonnard (1908)                                                       "Le nu provençal" par Willy Ronis (1949)

     

    La célèbre photographie du "Nu provençal" où Ronis nous montre son épouse Marie-Anne peut rappeler les toiles de Bonnard montrant sa femme Marthe Boursin (dite de Méligny).
    Mais l’analogie va bien au-delà du sujet (le nu à la toilette) et du cadre (le contre-jour de la fenêtre). Par son caractère familier authentique et sa réelle intimité, l’image évoque ces moments à couper le souffle, nés d’un regard posé sur un être aimé, qui soudain comble le cœur.

    Comme chez Bonnard, dont les peintures de Marthe la montrent toujours dans l’éclat de sa jeunesse, Ronis en photographiant son épouse Marie-Anne (elle a alors 39 ans) la maintient dans le temps et la garde dans son éternelle jeunesse.
    Là est le vrai point commun avec Bonnard : l’acte de mémoire et d’amour.

    "Le Nu provençal" est comme un Bonnard qui montrerait Marthe en noir et blanc dans une splendeur de lumière… Toutes deux nues, de dos, face à un lavabo que jouxte la fenêtre produisant le contre-jour.

    Ne dirait-on pas la même image, passée en couleur et dont le sujet s'est redressé pour finir sa toilette ? Car il arrive parfois que l'on se retrouve face à une œuvre d'art qui fait écho à une autre œuvre d'art, qui fait elle-même écho à des choses auxquelles on est sensible ou même que l'on a vécues.

    Mais quand on parle à Ronis de cette proximité avec le tableau de Bonnard, il répond :  "On me l'a souvent dit, en effet. Mais au moment où j'ai pris la photo, je n'y ai pas songé une seconde.
    J'ai pensé : c'est un joli nu, c'est ma femme".

    (A suivre…)

     

     

    >>Willy Ronis et Paul Cézanne jouent aux cartes !

     


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  • Les joueurs de cartes


    Paul Cézanne, (1892-95),"Les joueurs de cartes" / Courtauld Institute of Art, London.

    Paul Cézanne, (1890-92),"Les Joueurs de cartes", / Metropolitan Museum of Art, New-York City.

     

    Images du bas :

    Willy Ronis : "Café, rue des Cascades, Ménilmontant" - Paris, 1948

    Willy Ronis : "La partie de Tarot, Joinville le Pont ", 1991.

     

     

    Il existe cinq versions connues des "Joueurs de cartes" peintes par Cézanne et conservées à Paris au musée d'Orsay, à Londres au Courtauld Institute of Art, à New York au Metropolitan Museum of Art et à Philadelphie à la Barnes Foundation. La cinquième et dernière version a été acquise par la famille royale du Qatar en 2012, dans le cadre d'une transaction privée pour un montant de 191,5 millions d’euros !
    Ronis connaissait-il ces œuvres où Cézanne met en scène quatre, puis trois et finalement seulement deux joueurs sur sa dernière toile ?
    Oui vraisemblablement. Ronis avait au moins connaissance de certaines reproductions de ces toiles. Pour autant, avait-il en mémoire les tableaux de Cézanne au moment d'appuyer sur le déclic ? Là, cela est moins sûr…

    Ce qui est sûr par contre c'est qu'il a souvent cherché à photographier des joueurs de cartes car ils entrent pleinement dans les scènes populaires qu'il affectionnait tant.

    Dans sa moisson de photos récoltées dans les quartiers populaires, j'ai identifié cinq photos de Ronis montrant des joueurs de cartes, mais il en existe probablement d'autres.

    On retrouve donc ce thème dans :
    - "Café, rue des Cascades, Ménilmontant" - Paris, 1948
    - "Café, place d'Aligre", Paris, 1952 
    - "Partie de cartes en plein air, rue Botzaris", Paris 1952
    - "La belote", Paris, 1954
    - "La partie de Tarot, Joinville le Pont ", 1991.

     

    >> Willy Ronis et les peintres flamands. (3/3)

     

     

     


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  • Willy Ronis et les peintres flamands. (3/3)Willy Ronis et les peintres flamands. (3/3)

    "La danse de la mariée en plein air"                                               "Fête provençale La Crémade Vaucluse",
    Pieter Brueghel l'ancien (vers 1566)
                                                   1964 ©Willy Ronis

     

    Ronis, très tôt nourri par les peintres flamands, a alors son style  en place : des noir et blanc à la lumière travaillée, une composition rigoureuse héritée de cette école flamande des XVIe-XVIIe siècles. Dès ses premiers clichés dans les années 1920 Ronis s’inspire de ces compositions, en particulier celles de Brueghel l'Ancien, qui va grandement déterminer la disposition de ses personnages dans le cadre.

    D'ailleurs, en 1967, il dit : "Mes photographies réussies de scènes à épisodes multiples font penser, toutes proportions gardées, à ces tableaux de Brueghel dont on éprouve une si grande joie à explorer les différentes parties. Chacune de ces parties est un petit tableau, et pourtant chacun concourt merveilleusement à la composition générale. Même si certains peuvent trouver ridicule de faire un parallèle entre une œuvre de Brueghel et une photo de reportage".

    Sa passion pour la peinture et le dessin se lit dans ses photos qui ont souvent des compositions picturales avec ses cadrages très recherchés. Formé « au goût de la composition », pour lui la photo est avant tout un équilibre. La composition est donc fondamentale, ainsi que l’équilibre des valeurs, des rapports entre ombres et lumières. L’importance des ombres dans ses images est primordiale : "Ce n’est pas la lumière qui m’a inspiré, c’est ce qu’elle éclaire" dit-il, aussi ses personnages émergent souvent du clair-obscur.

    Par ailleurs il est obsédé par le rythme ternaire et son écho dans le temps : le nombre "3"  pose sa composition et l’équilibre autour d’un pivot central et en écho, ces situations ternaires se répètent, photographiées de façon répétitive au cours des décennies, inconsciemment.

    Aussi contrairement à bien des photographes de son époque, Willy Ronis se dit artiste. "La photographie, je savais bien, moi, que je n'étais pas qu'un presse-bouton !"

    Jeune, Willy Ronis est passionné de musique et il aurait voulu en faire son métier.
    Faute d'avoir pu être compositeur de musique, il est compositeur d’images.



    >> Willy Ronis et les peintres flamands. (2/3)

     

     


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    Willy Ronis et les peintres flamands. (2/3)Willy Ronis et les peintres flamands. (2/3)

    "Paysage d'hiver avec Patineurs".                                                          "Un dimanche sur le lac gelé du Bois de Boulogne",
    Hendrick Avercamp (vers 1608)
                                                                              1954, © Willy Ronis

    Dès sa tendre enfance, Willy fréquente les musées où sa mère l’emmène souvent pour l'éveiller aux arts plastiques. Plus tard, jeune homme timide, il continue à fréquenter régulièrement Rembrandt et les maîtres du Siècle d'or hollandais au Louvre. Lorsqu'il se met à pratiquer la photo il sera clairement influencé par la peinture flamande dans la manière de penser et de composer certaines photos.

    Ces visites dans les musées lui ont - très tôt - permis d'exercer autrement son regard et de découvrir qu'en photographie aussi, il existe des règles de composition. Pour être bonne, une photo doit tenir debout, avoir une harmonie, exactement comme un tableau.

    D'ailleurs il précise : "La première fois que j'ai pénétré dans les petits cabinets qui se trouvent de part et d'autre de la galerie des Rubens, au Louvre, je me suis senti chez moi : ces scènes ne représentaient pas des gens riches, nobles, laissant leur empreinte dans l'Histoire, mais des scènes de kermesse, de patinage sur des canaux gelés, la petite bourgeoisie, les bistrots, les artisans. Je me sentais en sympathie avec cette population-là".

     

    >> Willy Ronis et les peintres flamands. (1/3)

    >> Voir aussi : Scène de patinage à Kampen, oeuvre du peintre flamand Barend Avercamp 1625 / 1650

     

     

     


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  • Willy Ronis et les peintres flamands. (1/3)Willy Ronis et les peintres flamands. (1/3)

     David Teniers II (1610-1690),                                                                     La partie de Tarots, Joinville le Pont ; 1991
    Paysans jouant aux cartes dans une taverne                                              © Willy Ronis

     

     

    Willy Ronis nous dit : "Je n’ai pas eu de maître à penser en photographie, ou plutôt certainement qu’ils sont nombreux à avoir plus ou moins influencé ma démarche"
    Et il ajoute : "Mais ce que je sais, c’est que mes vrais maîtres, ce ne sont pas les photographes. Ce sont les musiciens, ou les peintres. Et en peinture ce sont les petits maîtres flamands du XVIIe siècle. C’est Brueghel et l'école des peintres flamands, par leur composition, par leur disposition des personnages dans le cadre".

    Chez Ronis, les fondamentaux de la photographie et de la peinture vont se mélanger et produire une œuvre artistiquement riche car il a parfaitement analysé les œuvres des maîtres de la peinture. Il applique alors certaines grandes lois de la composition picturale à la photographie : balance des valeurs claires et sombres, unité du sujet, rythme de l'image, clair-obscur, contre-jour, etc…

    Il apprécie donc dans la peinture flamande les scènes de la vie quotidienne dont les personnages font écho à ce qu'il retrouve alors dans la rue à Paris ou ailleurs. Ses sujets, ce sont d'abord les gens : "Les rues vides ne m'intéressent pas." dira-t-il. Les petits métiers, les ouvriers à l'usine, les bistrots, les bords de Marne, les couples, la jeunesse... le tout sans spectaculaire, en se concentrant sur le quotidien et la "poésie de la rue".

     

    >> Willy Ronis et Parisperdu.

     

     



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